Messages sur boîte vocale : 3, dont 2 inaudibles. E-mail : 33, comprends pas, je viens seulement d'arriver dans la société. Documents attachés : 5, dont un qui a planté mon ordinateur. Plantages de l'ordinateur : 1 mais qui a duré deux heures
Levé du lit en catastrophe ! Je me suis rendormi malgré la sonnerie du réveil. Je m'étais couché à 2 heures du matin après avoir fêté les 25 ans de Stéphane chez Sabine. Je suis parti au boulot sans même m'être brossé les dents. Suis arrivé avec une heure de retard à mon premier job en sentant encore l'alcool de la veille. Ca promet cette période d'essai ! Heureusement, il me reste encore trois mois pour me rattraper.
J'ai été accueilli par Christian, le DRH, qui s'est écrié en me voyant :
- "Bonjour Steve ! Bienvenue !"Je lui ai timidement rétorqué que je m'appelais Benoît. Benoît Jobert. Il s'est excusé au moins trois fois avant de me présenter Steve, le vrai cette fois-ci, qui intégrait également Must-Internet. Nous avons ensuite signé des tas de papiers administratifs.
Eric, mon responsable. Il n'a pas pu me recevoir comme convenu. "Des réunions non-planifiées", m'a-t-il dit en passant en coup de vent devant mon bureau. Ah oui, mon bureau : un recoin d'angle de pièce avec une planche sur deux tréteaux. Pas de chaise. Mais avec un ordinateur que j'ai dû brancher tout seul : trois heures à m'énerver. Heureusement, Nadine, qui partage notre espace de cinq mètres carrés, m'a filé un coup de main pour finir.
Nadine est chargée de la fidélisation des clients de Must-Internet. C'est la râleuse du service marketing qui a toujours des raisons de dire qu'elle en a marre et que de toutes façons elle va finir par quitter cette boîte. A 25 ans elle a l'air d'une psychorigide hyper bosseuse. Le pire c'est qu'elle est petite, un peu ronde, avec une queue de cheval et qu'elle est habillée comme une campagnarde. N'empêche ! Elle m'a montré où se trouvait la cantine.
A déjeuner, tout le monde ne parlait que d'Arnaud. Arnaud par-ci, Arnaud par-là. Christian, l'un des plus âgés avec ses trente cinq ans, m'a dit qu'il s'agissait d'Arnaud Féval. Le fils de Jean-Luc Féval, lui-même actionnaire majoritaire de notre société.
- "Et alors ?", ai-je demandé. "Moi, à l'école, on m'a appris que ce qui comptait c'était le client, le client, le client ! "
Christian m'a alors expliqué que toute entreprise gère en permanence les intérêts de trois populations différentes :
- ses clients.
- ses salariés.
- ses actionnaires.
Il a ajouté que l'art de gérer une société consiste en fait à trouver les moins mauvais compromis entre ces trois groupes aux intérêts divergents.
Les clients veulent les meilleurs produits mais le moins cher possible. Les salariés veulent travailler le moins possible mais aux meilleurs salaires possibles. Les actionnaires veulent le meilleur taux de rentabilité et poussent donc à vendre les produits le plus cher possible tout en maintenant les salaires bas.
Le plus dur est donc d'arriver à faire fonctionner tout ce petit monde de façon cohérente pour que l'entreprise se développe malgré tout.
Il a conclu en disant que le poids de ces populations varie selon le stade de développement de l'entreprise. Pour nous, par exemple, chez Must-Internet, c'est simple ! Nous ne nous préoccupions pas de nos clients car nous n'en avions pas encore ou à peine. Les salariés ont en moyenne quelques mois d'ancienneté et n'ont pas encore eu le temps d'être mécontents. Quant à l'actionnaire, il vient de décider d'investir massivement dans ce nouveau truc qui s'appelle Internet. Il est un peu anxieux forcément, alors il ne nous lâche pas d'une semelle et il regarde constamment tout ce qui se passe.
Tout ça a été très éclairant. N'empêche qu'à 19 heures, j'avais beau avoir ingurgité plein de Kiss Cool, je ne pouvais m'arrêter de penser que je sentais encore les lendemains de fête. Ma copine, Laëtitia n'a d'ailleurs pas manqué de me le faire remarquer lorsque je l'ai embrassée en arrivant à la maison.
Pour commander le livre cliquez ici